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La part des sens

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31 janvier 2009

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31 janvier 2009

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31 janvier 2009

Sophie Ristelhueber : un trait d’union entre la photo documentaire et la photo plasticienne

Sophie Ristelhueberg expose du 20 janvier au 22 Mars 2009 au jeu de paume. Pour sa première exposition d'envergure à Paris, « l’image en jeu » l’artiste apporte un concept : revenir avec des photos plasticiennes sur des conflits illustrés par les medias. Ses photos remarquables apportent un regard nouveau sur les guerres et leurs cicatrices humaines, urbaines ou naturelles. Chaque Cliché est une  fenêtre ouverte sur un conflit et une porte fermée contre l’oubli. L’amateur d’art devient témoin et s’interroge sur les raisons du chaos et de la destruction.

            Avant même de rentrer dans l'exposition, Sophie Ristelhueberg donne le « la » avec trois immenses photographies collées directement sur les murs du vaste hall du jeu de Paume. Elles représentent les stigmates d'un bombardement sur une route. Le cratère laissé par l’attentat à la voiture piégée contre Rafic Harri à Beyrouth, le 14 février

2005 a

inspiré l’artiste. Elle voulait créer autour de cette « terre qui s’avale d’elle-même ». Grâce à ses photos, les attentats ont un deuxième impact, sur la rétine du visiteur. Dans les coulisses de cette œuvre réalisée en 2006 Eleven Blowups, se trouve un travail minutieux, perfectionniste et ingénieux. Il lui est impossible actuellement de retourner en Irak, pour continuer son travail sur des attentats irakiens. Qu’à cela ne tienne, la créativité n’est que plus forte. Elle ajoute à sa source d’inspiration, une source d’information, Reuters. A l’agence de presse britannique de Londres, l’artiste passe des heures à chercher des prises de vue réalisées par les cameramen irakiens au moment d’attentats à Bagdad entre 2003 et 2006. Ensuite elle compose, copie et colle des morceaux de photos choisies. Tel un peintre, elle s’inspire d’une scène réelle et en interprète la représentation. Une façon inédite et artistique de retranscrire la réalité avec la photo numérique. L’honnêteté de sa démarche artistique ne fait aucun doute. « Seuls les cratères sont des formes vraiment vues mais totalement re-fabriqués à l’aide d’ordinateurs, en utilisant des matières premières de macadams, de pierres, de débris que j’ai accumulées dans tous mes travaux antérieurs. (…) donc tout est vrai, tout est faux», explique-t-elle.

Les cicatrice humaines et urbaines d’un conflit : un effet miroir

            Dans la série Beyrouth 1984, elle trouve des contours et des lignes dans le chaos et la destruction. Les immeubles sont perçus comme des grands corps fracturés, balafrés par les impacts de balles ou même amputés. Elle change la valeur des plans, souligne les perspectives,  explore les fissures, les béances du béton pour montrer la beauté triste des ruines. « J'ai l'impression de rentrer dans l'âme des choses quand elles sont déshabillées par la destruction » confie-t-elle. Elle met en beauté ces spectacles de désolation avec tant de retenue et de subtilité que le spectateur a envie d’investir sa conscience dans les images. Les mêmes lieux ont certainement été montrés dans un Journal Télévisé avec des images « à usage unique », celles que l’on voit et que l’on oublie jusqu’au prochain JT. Au contraire, la photographe ravive ici les mémoires, élève la réflexion, l’image est en jeu. La pudeur du noir et blanc, la taille identique des cadres (18*24cm) harmonisent les photos, les relient entre elles. Elles deviennent les mots d'une question que le visiteur parcourt des yeux le long du mur: pourquoi ce conflit a-t-il été tant dévastateur ?
            Dans la même pièce un immense tirage (270*280cm) représente le dos d'une femme parcouru de part en part le long de la colonne d'une ligne de points de sutures, le parallèle entre les cicatrices humaines urbaines se précise.

Sophie Ristelhueber

Dans son œuvre Eleven Blowups réalisée en 2006, Sophie Ristelhueberg utilise des images de l’agence Reuters pour composer, créer.


Les traces du conflit dans la Nature parlent d’elles même

            Un peu plus loin un immense triptyque occupe un mur, il s'agit du spectacle désastreux d'une forêt de palmiers décimée dans le désert irakien. Les coulisses de la guerre ne sont pas moins tristes que la scène principale. Ce n’est pas le sang, ou les villes en ruine qui ont retenu l’oeil du photographe mais la nature abîmée, blessée. Les cadavres de ces palmiers dans leur silhouette rappellent évidemment les civils et militaires décimés. « Ce qui m'a vraiment frappée, c'est le sable jaune et ces milliers de palmiers noircis, calcinés, couchés comme une armée en déroute. C'est ce détail, cet immense détail, que je regardai »
            L'oeuvre la plus esthétique de l'exposition est sans doute Faits. Elle utilise deux murs perpendiculaires pour juxtaposer 71 grands tirages (100*127cm). Ce quadrillage régulier crée une unité visuelle de sorte que l’œuvre multiple n’est qu’une. La série de photographies a été prise 6 mois après la fin de la première guerre du golfe en 1992. Elle représente les cicatrices de la guerre sur la terre. On reconnaît sur les vues aériennes, les empreintes d'un animal métallique bien connu. La danse des blindés sur le sable a laissé de superbes dessins qui rappellent les mystérieuses lignes de Nazca au Pérou. L'esthétique trouvée dans les images de guerre interpelle. Telle paire de chaussure abandonnée dans la poussière est aussi grande qu'un char abandonné dans le sable. L'harmonie des couleurs terre, repose l'œil et suggère la sérénité retrouvée de ces lieux en temps de paix. Elle se joue des échelles.

            Enfin dans la dernière salle Sophie Ristelhueberg expose en grand format (120*150cm) les images de routes barrées en Cisjordanie dans son œuvre WB (West bank). De part ces images ramenées en novembre 2003 et mars 2004, elle rappelle que ces chemins sont privés de leur fonction intrinsèque: relier entre eux des villages et des hommes, et montre ainsi que les obstacles sont autant physiques que symboliques.

            Les médias illustrent et renouvellent sans cesse l’actualité. Quand l’actualité passe et le photo journalisme de Sophie Ristelhueberg reste parce qu'il a un supplément d'âme : l'art. Sa démarche rappelle celle de Werner Herzog pour son film documentaire leçon de ténèbre en 1992 dans lequel il filme pendant 52mn l’extinction des puits de pétroles allumés par les irakien lors de leur retrait. Sophie se dégage du factuel pour atteindre l'impression générale et la réflexion. Son travail est aussi artistique que journalistique. De fait, elle décrypte l’information, se détache de l’émotionnel des médias pour transmettre l’émotion et le réel au travers de la photo plasticienne.



L’œuvre WB (west bank ) réalisée 2005 montre la portée symbolique des routes bloquées en Cisjordanie.

Sophie Ristelhueber

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